Guy Vandeloise - Juliette Rousseff à la Boverie
L’Exposition, consacrée au couple d’artistes Guy Vandeloise et Juliette Rousseff, est la première manifestation organisée par la Fondation Province de Liège pour l’Art et la Culture. L’occasion de découvrir l’œuvre tout à fait atypique et singulière de ces deux artistes liégeois à l’initiative de la Fondation.
Guy Vandeloise est un homme de cœur, dévoué aux artistes qu’il découvre, encourage, soutient en dépit des cultures académiques dominantes. C’est un homme d’esprit, de culture, profondément attaché et investi dans la création plastique ; il l’approche et s’en saisit par des biais multiples et complémentaires lui permettant d’en percevoir l’essence et d’accroître sa réflexion sur son rapport au monde.
Techniques et styles sont très diversifiés. Il embrasse 2e et 3e dimension. Ses écritures jonglent avec les concepts, traduisent des jeux d’esprits, mélangeant parfois le verbe et l’image (ainsi ses Rébus, ses Chants d’oiseau, ses écritures advenues). Ses sculptures mettent en avant la vérité de la matière (ainsi sa série Elle). Ses peintures et dessins se déploient en séries, car la série est une façon d’exprimer davantage les facettes du réel, d’ajouter une dimension temporelle, de dérouler le temps en utilisant l’espace, de développer la pensée à travers la matière et la forme. Tout ne se résume pas en un, mais s’étire, s’exprime, se narre.
Ses créations peuvent être figuratives (avec un réalisme affirmé ou plus allusifs) ou abstraites comme ses Constructions ou ses Géométries. Mais quel que soit les styles et moyens choisis, l’artiste déchiffre l’apparente banalité du quotidien, la transpose en formes artistiques, en réflexions philosophiques.
Les thématiques qu’il exprime proviennent d’une fascination pour un objet inanimé, pour une matière vivante, une trace, un rêve, une réminiscence… en tout cas pour un moment vécu traduisant une Rencontre. Car pour Guy Vandeloise, l’œuvre est le résultat d’une rencontre entre les multiples aspects de l’univers et les facettes de son moi. L’œuvre est un moment de communion vécu avec différents donnés1 de la réalité. Il formalise ces donnés et les rend compatibles avec la forme plastique choisie la plus appropriée, car n’importe quelle forme est une manière de manifester le réel qui nous a rejoints.
La centaine d’œuvres des deux artistes présentées dans l’exposition appartiennent encore à leur propre collection. Pour Guy Vandeloise, elles sont postérieures à 2001, l’année d’une rétrospective organisée au Musée d’Art moderne et d’Art contemporain de la Ville de Liège. Pour Juliette Rousseff, elles sont majoritairement postérieures à 2011 : beaucoup de grands formats, des peintures, souvent brodées, une vidéo et des petites sculptures plus anciennes. Les grandes thématiques qu’elle transpose sont la représentation des grands gestes dans la sensation physique de peindre, de dessiner, de mettre de la couleur ; et de façon plus abstraite, les sonorités intérieures et les vibrations, l’âme, l’absence et la présence, les métamorphoses ; la traversée du miroir et son au-delà…
Car dans son appréhension du monde, Juliette Rousseff préfère ce qui est caché plutôt que ce qui est apparent. Elle chemine dans les profondeurs et révèle l’inconnu à la lumière. L’ambivalence du réel, avec ses mythes et ses symboles, elle la perçoit et la traduit dans son œuvre plastique. Pour qu’un mythe soit « revécu », il doit s’ancrer dans une réalité apparente, dit-elle. Elle découvre que ses sensations sont le vrai chemin d’accès à ces mondes cachés, que ses outils sont ses yeux, ses mains : l’Autre Face devait descendre en moi, y prendre forme à l’aide de mon regard sur les éléments du monde, et être traduit par ma main. L’artiste pratique la broderie car elle satisfait, nous dit-elle, son sens du touché, de fil en aiguille… Elle peint, de geste en geste, sur des grands formats qui matérialise l’espace et elle y révèle des mystères.
Une création très différente, chez l’un comme chez l’autre et qui pourtant respire cette même quête de sens…
Isabelle Neuray