Née à Genk en 1942, Vicky Roux vit à Liège. Formée à la photographie à l’Institut supérieur des Arts Saint-Luc Liège et à l’Histoire de l’art à l’Académie des Beaux-Arts de la même ville, elle a également fait partie du groupe de recherche photographique QUANTA de 1993 à 2007, qui avait comme ligne de force de travailler sur le medium photographique et sur ses signifiants plastiques. L’artiste privilégie des procédés photographiques pigmentaires qui signifient « à la fois captation et distanciation accrues du réel ». Depuis 1988, Vicky Roux a participé à de nombreuses expositions tant en Belgique qu’à l’étranger.
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« Boursouflures sur des murs ? Fragment de branche ? Articulation démembrée ? Ce que montrent les photographies de Vicky Roux fait mentir le lieu commun selon lequel la photo serait le plus objectif des arts. Ou le plus impossible. L’objet perd ici toute pertinence, arraché qu’il est au tissu paisible du monde. L’héroïne des histoires de Roux est la molécule, dérisoirement attachée à un environnement qui peut se désagréger d’un instant à l’autre. Désintégré, l’objet – ou sa partie – est ainsi solitude, et même souffrance.
Mais, au sein de cette souffrance naît une forme neuve de sensualité. Si l’univers du sensible est disqualifié dans ce qui le rendait immédiatement lisible (et donc rassurant), ce n’est pas au profit des structures qui le sous-tendent. L’objet n’est pas, chez Roux, réduit à son schéma géométrique, mais à son essence tactile. Ce que l’artiste représente ici est la pure nodosité, la pure douceur, la pure rugosité…
Car la séduction de la perspective a fait ici place à celle de la texture. La troisième dimension est tout entière confiée au commerce minutieux avec le toucher.
De même qu’elle a effacé les frontières du sujet, Roux a déplacé celles de son art. Est-ce bien à la photographie que nous avons affaire ici ? N’est-ce pas plutôt à la sanguine, au fusain, à de l’eau-forte, à des pigments mystérieux appliqués à la brosse dure ?
Objet arraché et peinture sensorielle. Dans cet espace s’évanouit l’opposition entre le vivant et l’inerte. Crucifié, le vivant se tait. Mais la matière, s’imposant, devient organique ; attaqué par la rouille, gonflé par la moisissure, l’inerte prend vie. Toute l’émotion des microscopies sensuelles de Roux est dans cette vibration.
Elle n’est pas dans l’investissement du sujet regardant. Ce dernier s’est comme retiré. Laissant la matière à son intemporalité. Ou mieux : il s’est progressivement fondu dans cette matière au cœur de laquelle il s’est installé. Éprouver de la sorte la fragilité des choses est, douloureusement peut-être, rencontrer la sagesse, anéantissement et rédemption. »
Jean-Marie Klinkenberg, 1997