Né à Liège en 1941, il y décède en 2011.
Pierre Čech est formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège en dessin et peinture dans la classe de Fanny Germeau dans la foulée d’Anne Zolet, Christian Otte et Rosalba la Greca. Acerbes et rageurs, ses tableaux jettent un regard iconoclaste et désabusé sur la société liégeoise du XXe siècle.
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PIERRE ČECH, L’EXTRATERRESTRE
Trois éléments vous aideront à cerner le personnage qui se cache derrière ce peintre liégeois atypique, comme interloqué par son terroir et son époque.
Un père érudit et exigeant
Au moment de la naissance de son premier fils Pierre, Jiri Čech, son père ingénieur chimiste, vient d’être engagé par la firme américaine Colgate Palmolive qui lui a confié les rênes de l’usine de savon qu’elle vient d’acquérir au centre de Liège. Né à Prague au début du XXe siècle, Jiri est un érudit à la culture cosmopolite : il parle couramment le tchèque, l’allemand, le français, le néerlandais, le russe et l’espagnol. Un homme qui, de par ses traditions d’origine slave, place son fils aîné au sommet de ses exigences de père. Il lui revient de poursuivre la lignée familiale et de l’illustrer de la manière la plus brillante qui puisse être. Dans le milieu liégeois et forcément bourgeois où Pierre Čech émerge le 20 juin 1941, cette attente pèsera lourd sur les épaules du jeune homme.
Des circonstances historiques ubuesques
D’emblée, un contexte politique particulier s’impose aux protagonistes de ce parcours de vie. Peu avant la naissance de Pierre, la Tchécoslovaquie, pays d’origine de la famille paternelle, est envahie et intégrée au troisième Reich. Et celui-ci, dans la foulée, envahit la Belgique et… occupe Liège. Or la famille Čech, débarquée récemment des Pays-Bas, vient à peine d’y trouver ses marques. De facto, elle se retrouve intégrée à son corps défendant, dans le giron hitlérien. Pire : le père Čech est incorporé d’office au sein de l’armée occupante, la Wehrmacht ! Sale situation quand on dirige une entreprise en pays occupé et que l’on est appelé à y trouver à la fois des collaborateurs et des amis… ! Les Čech (la famille comptera bientôt trois enfants) font donc profil bas. Et Pierre Čech, qui s’est découvert une passion pour le dessin et la peinture, se fondra pareil sur les bancs de l’Académie des Beaux-Arts de Liège (classe de Fanny Germeau) qui abrite ses premiers coups de crayon et de fusain. Le contexte particulier de Liège occupée puis libérée ne manquera pas d’interpeller le jeune artiste qui s’est forgé un naturel plutôt secret et taiseux.
Entre bourgeoisie et prolétariat
C’est qu’à l’aube de ses vingt ans, le jeune artiste s’amourache d’une jeune liégeoise et lui fait un enfant. Deux autres suivront. Le rêve « dynastique » du père Čech s’effondre. Le fils désormais « indigne » est jeté à la rue. Du même coup, le petit bourgeois se retrouve immergé dans le monde du travail et des soucis d’un quotidien jusqu’alors confortable. D’où ce regard à la fois perplexe et sarcastique qui baigne peu à peu la société que le jeune artiste dépeint alors autour de lui à la manière d’un Permeke… Une série de portraits aux traits rageurs et désabusés réalisés en trois décennies par ce peintre liégeois qui vivra toute sa vie comme un extraterrestre en délicatesse avec son époque…
Jean Čech, journaliste et frère de Pierre