Philippe Herbet – « Les Filles de Tourgueniev » : l’exposition estivale 09/07/2021

Philippe Herbet, photographe, écrivant, voyageur (et depuis peu, voyageur dans le temps), comme il se décrit lui-même, arpente la Russie contemporaine et ses pays limitrophes à la recherche d’un souvenir toujours présent, toujours planant dans l’imaginaire collectif des peuples slaves : les filles de Tourgueniev.

« L’écrivain russe Ivan Sergueïevitch Tourgueniev (1818-1883) a créé dans ses romans et nouvelles des personnages de jeunes femmes que l’on pourrait facilement qualifier de « rebelles » et de « romantiques ». Ses héroïnes sont introverties, très sensibles, elles ont grandi dans des domaines éloignés de la ville, loin de la haute société ou en marge. Elles ont entre 17 et 25 ans, elle sont volontiers capricieuses, indépendantes, rebelles, dans la mesure où les femmes pouvaient l’être au XIXe siècle.

Elles sont remarquables et remarquées, toujours très charmantes, désarmantes, imprévisibles; insaisissables. Idéalistes, en recherche d’elles-mêmes, en quête du vrai, du beau, du haut, d’une certaine forme de pureté ; elles ont en elles beaucoup de volonté. Entêtées, elles se fixent des objectifs et, avec beaucoup de détermination, elles n’hésitent pas à se sacrifier pour l’accomplissement de leurs idées. Oui, sentimentales, mais aussi plus, un engagement envers leurs sentiments.

Ainsi, les premières femmes « émancipées » de la Russie de la fin du XIXe siècle s’étaient mises à imiter ces héroïnes, ces personnages de papier et d’encre. Elles sont tombées en désuétude au temps de la Révolution de 1917. Jusqu’au début des années trente, elles sont considérées comme des « reliques » du XIXe siècle, mais au cours de la Seconde Guerre mondiale, elles reviennent au devant de la scène, elles sont alors vues comme des héroïnes et le personnage de Fille de Tourgueniev devient une sorte d’idéal. Le temps passant, leurs caractères se sont donc peu à peu éloignés des romans de Tourgueniev, pour devenir des femmes émancipées, des héroïnes, des personnages liés au passé, voire passéistes, avec une dimension soit péjorative, soit
affirmative d’une identité. On les désigne comme étant des filles romantiques, idéalistes, tendres, pleurnicheuses, sentimentales, poétiques, fines, touchantes, qui ne savent ou ne veulent pas s’adapter au monde contemporain, modestes, démodées, elles ne se teignent pas les cheveux, se maquillent très discrètement – lorsqu’elles se maquillent -, dansent la valse, rougissent lorsqu’elles entendent des impolitesses, elles ont des principes moraux bien établis et solides, dévouées, elles appartiennent à différentes couches sociales, elles ne sont pas réunies en réseau.

Je suis allé à leur découverte à Saint-Pétersbourg, à Moscou, à Minsk et dans les campagnes de la Russie profonde, là où étaient sis les domaines de Tourgueniev, de Tolstoï, d’Ivan Bounine et de Bakounine. Et je les ai photographiées chez elles, dans les rues et j’ai associé à leurs photos des éléments symboliques liés à leurs existences comme le lait, la pomme, l’arbre, les icônes… J’avais en tête toute une iconographie liée à la Renaissance italienne et au XVIIe siècle hollandais qui m’a nourri lors de mes prises de vues… »

Une exposition à découvrir du 9 juillet au 28 août 2021

du mardi au samedi de 13h à 18h

à la Galerie des Beaux-Arts de Liège (rue Soeurs-de-Hasque 1, 4000 Liège)

Vernissage le jeudi 8 juillet 2021 à 18h !