La Fondation, sa raison d’être
J’ai vu des œuvres abandonnées dans des maisons vidées de leur contenu ;
j’ai vu des œuvres laissées pour compte par les héritiers dans des greniers humides et des garages pollués par les gaz d’échappement ;
j’ai trouvé des peintures oubliées sur le dessus des armoires ;
j’ai vu des œuvres déposées en bloc dans des magasins d’objets et de meubles d’occasion, le « donateur », le fils de l’artiste, me disant : « Que voulez-vous que je fasse avec ça ! » ;
j’ai vu des œuvres « décorer » les murs d’un w.c. ;
j’ai vu des dessins servir de cibles aux fléchettes d’un enfant ;
j’ai vu des archives d’artistes liégeois déposées sur la brocante ;
j’ai appris qu’un dépôt d’œuvres avait été squatté ;
j’ai appris que des lettres, des catalogues, des notes, des écrits, tout ce qui permet de retracer, de vivre le parcours d’un artiste, avaient été jetés à la poubelle.
Par ailleurs, j’ai vécu la disparition du Musée de l’Art wallon qui, lorsqu’il était à la Boverie, m’avait permis de prendre conscience de l’existence d’un art liégeois et d’en entreprendre l’étude. Des salles entières étaient notamment consacrées à Léon Philippet (tant apprécié par James Ensor), Adrien de Witte, Auguste Donnay et Richard Heintz. Le nombre d’œuvres présentées et leur choix judicieux permettaient de se faire une juste idée de leur importance et du rôle qu’ils avaient joué dans le renouveau de l’art à Liège à cette époque charnière entre toutes.
Mais encore ai-je assisté à la suppression des articles et des commentaires consacrés aux arts plastiques dans les journaux et à la radio.
Enfin, j’ai vécu, jour après jour, le mépris mêlé de condescendance dans lequel l’art liégeois est tenu urbi et orbi. Comment pourrait-il en être autrement puisque le Musée d’Art wallon, rappelons-le, n’existe plus ; que les études sérieuses sur l’art liégeois, après le XVIIe siècle, sont pratiquement inexistantes et que les rétrospectives sont rares et sans valeur scientifique.
C’est dans ce contexte que, depuis des années, je cherchais à créer une Fondation. Car enfin, ce qui importe, dans un premier temps, c’est de sauver des œuvres et, à travers elles, des êtres, un patrimoine, une culture ; et, rêvons-le, dans un second temps, par son exposition, sa présentation (pourquoi pas dans un musée de l’art liégeois ?), son étude approfondie et sa reconnaissance internationale, nourrir l’inconscient collectif du lieu d’où on est issu, apprendre à nous reconnaître.
Pour ce faire, j’ai eu le bonheur d’avoir l’appui chaleureux de Paul-Émile Mottard, alors Député permanent en charge de la culture, et de pouvoir compter, au mieux de mes espérances, sur Isabelle Neuray, secrétaire de la Fondation, et ses assistantes Caroline Quaniers et Annamaria Pomella.
Guy Vandeloise
mai 2019